Coup de blues ou dépression ?

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Illustration dépression

De nombreux aidants sont affectés moralement par le vécu de cette situation.

Vous aussi, vous ressentez peut-être divers sentiments : un sentiment d’injustice, de la colère, du chagrin, de l’impuissance…

Aujourd’hui nous avons choisi de vous parler de la dépression. En effet, elle peut toucher chacun d’entre nous mais la situation d’aide constitue un surrisque.

Nous allons vous expliquer :

  • Pourquoi elle est fréquente chez les aidants
  • Quand et pourquoi y penser
  • Comment la prendre en charge
  • Quelles mesures prendre en prévention

I. Le risque de dépression chez les aidants.

1. Retentissement de la situation d’aide

A notre connaissance, il n’existe pas d’étude portant sur les retentissements psychologiques de la situation d’aide chez tout type d’aidants.

Par contre, il existe des études sur des populations particulières d’aidants comme par exemple les aidants qui accompagnent un proche atteint de la maladie d’Alzheimer ou bien les aidants qui accompagnent un proche handicapé.

Ces études* mettent en évidence un risque accru pour les aidants de développer un trouble dépressif.

*ex : étude Pixel chez les aidants de proches atteints de maladie d’Alzheimer

2. Les facteurs de risque

Ce surrisque est lié à l’existence de nombreux facteurs de risque chez les aidants.

Sans prétendre en faire une liste exhaustive, nous allons néanmoins en citer quelques uns :

=> 1. La « crise » induite par la maladie de votre proche

La maladie, le handicap, la perte d’autonomie induisent tous une rupture dans le quotidien. Ainsi, il y a la vie d’avant et la vie avec cette nouvelle donne.

Le fonctionnement familial est souvent fortement bouleversé, remis en question. Comme dans toute crise, le système doit alors se transformer, avec parfois des résistances. La relation entre chaque membre de la cellule familiale peut se modifier. Chacun va devoir trouver sa nouvelle place. La famille va éprouver ses capacités d’adaptation au changement pour parvenir à un nouvel équilibre : pas simple !

=> 2. L’aide apportée

La nature de l’aide apportée peut être très variée : aide administrative, aux courses, ménage, coordination des professionnels qui interviennent au domicile, aide aux repas ou à la toilette, soutien psychologique, soins médicaux… 

Le temps passé et la nature de l’aide influencent votre moral. Ainsi, par exemple, s’il s’agit d’apporter des soins « techniques » qui pourraient (devraient ?) être réalisés par un professionnel (kinésithérapeute, ergothérapeute, infirmière, aide-soignante…) ces soins peuvent devenir pour vous un facteur de stress important.

Les conséquences de cet investissement et en particulier sur votre temps disponible jouent elles aussi le rôle de stresseurs.

=> 3. L’anxiété

Les stresseurs évoqués plus haut, l’imprévisibilité de l’évolution de la santé ou de la situation de votre proche, l’insécurité financière peuvent faire surgir de nombreuses angoisses.

=> 4. Les répercussions sur votre santé de la situation d’aide

Préoccupés par le suivi des soins de leur proche et le maintien de sa qualité de vie, beaucoup d’aidants négligent leurs propres besoins de santé. C’est la raison pour laquelle nous avions écrit un article ICI sur l’importance de prendre soin de vous.

En effet, votre rôle d’aidant peut avoir une incidence sur votre sommeil, sur vos douleurs, sur votre immunité (ou votre capacité à résister à des infections), sur votre système cardio-vasculaire…

Rappelez-vous : pour prendre soin de l’autre, il faut déjà bien prendre soin de soi !

=> 5. L’isolement social et le repli sur soi

Tous les aidants que nous avons rencontrés nous l’ont dit : la situation d’aide isole. D’abord parce qu’on a moins de temps pour les relations sociales, d’autre part parce que la maladie parfois fait peur et éloigne les connaissances.

=> 6. Les modifications de la relation avec votre proche

La situation de santé de votre proche a des répercussions sur vous mais aussi sur lui. Ceci peut engendrer des difficultés de communication, de l’agressivité de part et d’autre. Nous en reparlerons dans le chapitre sur la prévention.

II. Comment identifier une dépression ?

1. Qu’est-ce que la dépression ?

«La dépression se manifeste par une humeur triste, une perte d’intérêt pour toute activité et une baisse de l’énergie. Les autres symptômes sont une diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi, une culpabilité injustifiée, des idées de mort et de suicide, des difficultés à se concentrer, des troubles du sommeil et une perte d’appétit. La dépression peut aussi s’accompagner de symptômes somatiques. » 

OMS, La santé mentale : nouvelle conception, nouveaux espoirs, 2001

La dépression n’est pas un coup de blues, une phase de doutes ou une déprime passagère. Il s’agit d’une véritable maladie. A la différence du coup de blues ou de la déprime, dans la dépression, l’humeur et le mal-être varient peu d’un jour à l’autre. Même les événement agréables ne modifient pas la douleur morale ressentie.

2. Critères diagnostiques

Il existe des critères précis pour parler de dépression, basés sur deux classifications internationales des diagnostics psychiatriques
(DSM-5 ou CIM10).

Ici, nous avons choisi les critères du DSM-5*

*Le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) est un ouvrage de référence publié par l’American Psychiatric association.

Les symptômes de la dépression selon le DSM-5.

Les 2 premiers symptômes sont considérés comme des facteurs essentiels.

Pour pouvoir parler de dépression et donc de maladie il faut :

1. Qu’au moins 5 des symptômes cités ci-dessus soient présents pendant une période supérieure à 15 jours. Au moins un des symptômes (1) une humeur dépressive, (2) une perte d’intérêt ou de plaisir doit être présent.

2. Que les symptômes induisent une souffrance ayant une répercussion importante sur le fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants.

3. Les symptômes ne doivent pas être attribuables à l’effet physiologique d’une substance ou d’une autre affection médicale.

3. Plusieurs degrés de gravité possibles

Il existe 3 degrés de gravité. On définit ainsi :

1. L’épisode dépressif léger : Au moins 1 symptôme essentiel est présent et 4 autres symptômes

2. L’épisode dépressif moyen : Au moins 1 symptôme essentiel est présent et 5 autres symptômes.

3. L’épisode dépressif sévère : Au moins 1 symptôme essentiel est présent et 6 autres symptômes ou plus.

Focus sur le risque suicidaire :

La dépression est la première cause de suicide : près de
70 % des personnes qui décèdent par suicide souffraient d’une dépression, le plus souvent non diagnostiquée ou non traitée*.

*INPES Guide Dépression, 2007 www.inpes.sante.fr

Les pensées suicidaires sont fréquentes dans la dépression puisque vous l’avez vu plus haut, elles peuvent faire partie des symptômes. Cependant, elles ne signifient pas obligatoirement qu’il y aura un passage à l’acte. Néanmoins elles méritent d’être signalées à votre médecin généraliste ou à un autre professionnel de santé pour pouvoir en discuter et les désamorcer. Il est également important de savoir que ces idées de suicide ne traduisent pas nécessairement une envie de mourir mais plutôt une envie de ne plus souffrir.

4. Une présentation parfois trompeuse

Même si les symptômes sont bien présents, il n’est pas toujours facile pour les personnes dépressives de les repérer. D’autant plus que parfois les symptômes dits somatiques – c’est à dire qui concernent le corps (en opposition à psychiques) – sont au premier plan : fatigue, douleurs, troubles du sommeil… Il est alors fréquent de penser que ces symptômes sont normaux et attribuables à une difficulté momentanée de la vie.

Si vous avez des doutes, il est important de consulter, en particulier si vous avez répondu oui à l’une au moins de ces 2 questions :

Au cours des 2 dernières semaines,
1. Vous êtes-vous senti abattu(e), déprimé(e) ou désespéré(e), toute la journée, presque tous les jours ?

2. Avez-vous perdu de l’intérêt ou du plaisir dans vos activités toute la journée, presque tous les jours ?

III. Comment prendre en charge la dépression ?

Il est parfois difficile d’accepter l’idée de la nécessité d’un traitement. On entend parfois « Je vais m’en sortir par moi-même. », « Il suffit de prendre sur soi. ». Pour certains enfin, le traitement est perçu comme une faiblesse de caractère.

Il n’y a rien de plus faux !

En effet, dans la dépression il est important de se faire aider car il est trop difficile de se battre tout seul. Décider de se faire aider, de se faire soigner c’est au contraire une force, un moyen de redevenir acteur de sa vie.

1. Les solutions médicamenteuses

Les médicaments utilisés sont des antidépresseurs. Ces médicaments visent tout d’abord à réduire les symptômes de la dépression et leurs conséquences sur la vie quotidienne. Le délai d’action de ces médicaments est en moyenne de 2 à 3 semaines. Il est important de poursuivre suffisamment longtemps le traitement après la disparition des symptômes pour qu’une consolidation soit obtenue. De ce fait, l’arrêt doit toujours être progressif (sur quelques semaines) et préparé avec le médecin.

A savoir : toutes les dépressions ne nécessitent pas de médicaments. En particulier, dans les formes légères ils ne sont pas préconisés en première intention.

En cas de non réponse au traitement antidépresseur, certaines associations médicamenteuses peuvent être proposées ou d’autres thérapies physiques plus spécifiques. Pour en savoir plus sur les traitements, vous pouvez consulter le site : www.info-depression.fr

2. Les solutions non médicamenteuses

Les psychothérapies sont des traitements à part entière, indiqués quelle que soit l’intensité de la dépression (épisode dépressif léger, moyen, sévère). De nombreuses études ont prouvé leur efficacité.

Elles permettent de réduire ses symptômes, de mieux gérer la maladie et de donner du sens à ce que l’on vit pour pouvoir envisager de nouveaux projets. Elles peuvent aussi prévenir la réapparition des symptômes.

Il existe différentes méthodes, toutes basées sur des entretiens réguliers avec un psychothérapeute (psychiatre ou psychologue). Les échanges sont fondés sur une écoute bienveillante et une absence de jugement pour faciliter l’expression de ce que vous ressentez.

La durée du traitement varie de quelques mois à quelques années. 

Quelques exemples de psychothérapies :

  • Thérapie de soutien
  • Psychothérapie d’inspiration psychanalytique
  • Thérapie comportementale et cognitive (TCC)
  • Psychothérapie centrée sur le corps …

IV. Prévenir la dépression

1. Ne restez pas seul sur votre situation d’aide !

Même si vous êtes le seul aidant familial, apprenez à reconnaître vos limites pour pouvoir déléguer. C’est important pour vous préserver, c’est important aussi pour prévenir les situations de crise (nous vous en avions parlé ICI).

Et si la pathologie de votre proche bouleverse l’équilibre familial, là encore il est possible de se faire aider, c’est ce que nous vous expliquons ICI.

2. Intérêt des programmes d’accompagnement pour les aidants

De plus en plus d’associations, d’hôpitaux, d’organismes proposent des programmes d’accompagnement pour les aidants. C’est d’ailleurs ce que propose aussi Haltemis. Des études ont ainsi montré l’intérêt de ce type d’interventions sur les symptômes dépressifs des aidants*. Une fois encore, ne restez pas seuls !

*ex: Sustained benefit of supportive intervention for depressive symptoms in caregivers of patients with Alzheimer’s Disease. Am J Psychiatry

3. Prenez du temps pour vous

Prenez du temps pour prendre soin de vous, pour faire du sport, pour sortir avec des amis… Ce n’est pas égoïste : c’est important pour votre équilibre. Et n’oubliez pas de vous reposer.

Si on établit un parallèle entre un aidant et une voiture, vous comprendrez facilement que vous aussi vous avez besoin de faire le plein et de recharger vos batteries pour tenir la distance !

4. Et si c’est mon proche qui est dépressif ?

Difficile d’accepter la maladie, le handicap, la perte d’autonomie. Il est très fréquent que le proche accompagné présente une symptomatologie dépressive. Nous consacrerons probablement un article spécifique à ce sujet car cela peut avoir des répercussions importantes sur la relation avec votre proche.

Si nous abordons ce sujet ici, c’est pour vous rappeler que, oui votre soutien est alors essentiel, mais votre souffrance mérite aussi d’être entendue. En effet, ce n’est pas simple tous les jours d’accompagner un proche dépressif. Pour en savoir plus, vous pouvez lire la rubrique « Le rôle de l’entourage » du site www.info-dépression.

Nous espérons que cet article sur ce sujet grave mais important vous aura été utile.

N’hésitez pas à le commenter et à partager.

Bonne semaine et prenez-soin de vous !

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