La douleur est une expérience personnelle et subjective. Ainsi, chacun la ressent différemment en fonction de sa sensibilité, de son vécu. Certains en parlent beaucoup, certains la taisent, certains n’ont plus les mots pour la décrire, d’autres plus les facultés cognitives pour l’identifier clairement.
Pour vous qui aidez votre proche, il est important d’être attentif à sa douleur afin de la repérer pour aider à la soulager.
Dans ce nouvel article nous vous donnons des pistes pour :
- la comprendre,
- savoir la repérer
- agir pour la soulager
I. Comprendre la douleur
L’International Association for the Study of Pain (Association internationale pour l’étude de la douleur, IASP) la définit comme :
« une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable en relation avec une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en termes d’une telle lésion ».
Souvent la sensation est donc locale. A l’inverse de la souffrance qui désigne quant à elle une perturbation globale psychique et corporelle. La douleur est un des éléments de la souffrance, qu’il est possible de soulager.
Une douleur mal ou non évaluée – et donc mal ou non prise en charge – peut entrainer des conséquences sur la santé physique, psychique ou le comportement. Ces conséquences, surtout quand la douleur est chronique, sont importantes et ont un retentissement sur la qualité de vie au quotidien :
- Anxiété
- Dépression
- Isolement social
- Troubles du sommeil
- Modification de l’appétit
- Troubles de la marche et chute
- Limitation fonctionnelle et perte d’autonomie
- Sur-handicap
- Recours plus important et plus coûteux aux services de soins
La douleur peut aussi modifier le comportement du proche que vous accompagnez. Lorsqu’il existe des troubles cognitifs – comme par exemple dans la maladie d’Alzheimer ou des maladies apparentées – ces troubles du comportement peuvent se traduire par un retrait ou au contraire de l’agitation voire de l’agressivité.
Classification de la douleur :
La douleur peut être aiguë ou chronique. Pour l’IASP, la douleur est chronique si elle persiste au-delà du délai habituel de cicatrisation (habituellement 3 mois).
La douleur n’est qu’un symptôme. C’est pourquoi il faut s’attacher à rechercher sa cause et ses mécanismes. Classiquement, on décrit 3 types de mécanismes :
1. Douleur nociceptive : destruction, compression ou inflammation des tissus (ex: brûlure, arthrose, cancer, plaies…).
2. Douleur neuropathique : atteinte des mécanismes de régulation de la douleur par atteinte des nerfs périphériques (ex: zona, neuropathie diabétique…) ou du système nerveux central (ex: accident vasculaire cérébrale, tumeur…).
3. Douleur psychogène (sans cause retrouvée)
Point de vigilance :
Dans les causes, il ne faut pas oublier les douleurs induites par les soins (médicaux ou soins à la personne). D’ailleurs, si vous aussi vous voulez apprendre à réaliser certains gestes avec votre proche sans vous faire mal et sans lui faire mal, vous pouvez regarder les tutoriels vidéo de la formation proposée par la Compagnie des aidants. Vous saurez ainsi faire les bons geste pour aider une personne à se lever, ou bien encore faire un transfert lit-fauteuil.
II. Repérer la douleur
Il y a 2 façons d’évaluer la douleur : l’auto-évaluation et l’hétéro-évaluation. Dans l’auto-évaluation, c’est la personne douloureuse qui évalue sa propre douleur. Dans l’hétéro-évaluation, c’est un soignant ou un aidant.
L’évaluation a 3 objectifs :
- mettre en évidence la douleur
- évaluer son intensité
- juger de l’efficacité de la prise en charge pour pouvoir l’adapter
L’évaluation doit donc être répétée.
II.1 Auto-évaluation
Si votre proche est en capacité de s’exprimer, il est le mieux placé pour décrire son mal :
- le localiser,
- évaluer son intensité,
- préciser les horaires de survenue,
- verbaliser ses croyances ou ses interprétations
- et rapporter les conséquences au quotidien.
Il existe plusieurs échelles qui permettent de faciliter l’auto-évaluation de l’intensité de la douleur :
Vous pouvez par exemple demander à votre proche de décrire son niveau de douleur grâce à l’échelle verbale simple qui comprend 5 catégories :
- 0. Pas de douleur
- 1. Faible
- 2. Modérée
- 3. Intense
- 4. Extrêmement intense
L’échelle verbale simple peut être présentée oralement ou à l’écrit.
Vous pouvez aussi demander à votre proche d’évaluer le niveau de douleur en lui donnant une note sur 10 (0 correspondant à « Pas de douleur » et 10 « La pire douleur imaginable »). C’est ce qu’on appelle l’échelle numérique.
II.2 Hétéro-évaluation
Deux points importants :
1. Idée fausse à combattre : “Seuls les professionnels de santé ont la compétence pour repérer de la douleur”.
En tant qu’aidant, vous avez une connaissance fine de votre proche, ce qui vous permet souvent de détecter rapidement une problématique douloureuse.
C’est ce qu’on appelle votre expertise d’usage d’aidant !
2. Deuxième point important :
« L’absence de plainte n’est pas synonyme d’absence de douleur. »
Nous l’avons dit plus haut, la douleur est une expérience personnelle. Certains sont démonstratifs quand ils ont mal, d’autres moins. Certains se disent qu’ils doivent prendre sur eux, qu’avouer qu’on a mal est un aveu de faiblesse et qu’il ne faut pas trop s’écouter.
Si vous pensez que votre proche minimise le mal qu’il ressent ou si votre proche n’est plus en capacité de s’exprimer ou bien encore si son raisonnement est altéré, observez-le !
Focalisez-vous successivement sur :
- son visage : froncement des sourcils, grimaces, crispation, mâchoires serrées, visage figé.
- son regard : regard inattentif, fixe, lointain ou suppliant, pleurs, yeux fermés.
- sa bouche : quels sons émet-elle ? « Aie », « Ouille », « J’ai mal », gémissements, cris.
- son corps : retrait ou protection d’une zone, refus de mobilisation, attitudes figées.
- son comportement : agitation ou agressivité, agrippement.
Ces 5 points d’observation correspondent aux 5 items de l’échelle Algoplus qui est utilisée par les soignants pour évaluer la douleur aiguë chez une personne âgée présentant des troubles de la communication verbale. Si vous répondez oui à l’un des items, vous pouvez côter un point. Si le score est supérieur ou égal à 2, cela signifie qu’une prise en charge thérapeutique antalgique est indiquée.
Ce n’est pas la seule échelle qui permet d’ évaluer la douleur sur du non verbal. Pour aller plus loin sur le sujet vous pouvez consulter le site de la Société française d’Etude et de Traitement de la douleur.
III. Agir pour la soulager
III.1 Prise en charge médicamenteuse
Il existe de nombreux médicaments contre la douleur. Certains sont plus adaptés pour soigner des douleurs nociceptives (on les appelles médicaments antalgiques), d’autres des douleurs neuropathiques.
Les antalgiques sont classés en 3 catégories correspondant à des paliers :
- Palier 1 : (douleurs légères à moyennes). C’est par exemple le Paracétamol, l’Aspirine ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l’Ibuprofène
- Palier 2 : (douleurs moyennes à intenses). C’est par exemple le Tramadol.
- Palier 3 : (douleurs très intenses à rebelles). Ce sont les antalgiques opioïdes comme la Morphine ou d’autres molécules qui exercent un effet comparable à celui de la Morphine. Ils doivent être prescrits sur une ordonnance sécurisée pour limiter le risque d’usage illicite.
Focus sur les personnes âgées :
- Idée reçue : « C’est normal d’avoir mal quand on est vieux ! » C’est faux ! Certes, avec l’âge il est fréquent d’avoir des douleurs, notamment à cause de l’arthrose, mais avoir mal n’est pas une fatalité. D’ailleurs, cela peut même avoir des effets délétères, notamment sur le moral ! L’objectif de la prise en charge sera d’aboutir à un niveau de douleur tolérable ou au mieux de la faire disparaître.
- Les personnes âgées sont souvent polypathologiques et par conséquent elles prennent souvent plusieurs médicaments par jour. Soyez vigilants avec les traitements antalgiques – notamment s’ils sont pris en automédication – pour éviter des intéractions médicamenteuses. Pour en savoir plus sur le sujet, nous vous renvoyons à nos 2 articles : « Médicaments chez les personnes âgées : limiter la iatrogénie. » et « Six règles de bon usage des médicaments chez les personnes âgées.«
- Retenez que les anti-inflammatoires (comme l’Aspirine, l’ibuprofène…) ne sont pas recommandés chez les personnes âgées. Privilégiez le paracétamol (1g toutes les 6h, soit maximum 4g/j avec une prise la nuit). Si votre proche est insuffisamment soulagé, le médecin traitant pourra proposer d’autres molécules adaptées.
III.2 Prise en charge non médicamenteuse
Pour soulager certaines douleurs, on peut faire appel à des traitements non médicamenteux. D’ailleurs quand la douleur n’est pas trop intense, ce sont les traitements à privilégier en première intention.
Ils peuvent prendre différentes formes :
- Physiothérapie : usage du froid ou du chaud, ultrasons…
- Aides techniques : corset de maintien lombaire, collier en mousse, fauteuil adapté, lit médicalisé…
- Massages
- Balnéothérapie
- Techniques cognitivo-comportementales : relaxation, hypnose, sophrologie et différentes psychothérapies qui contribuent à diminuer l’anxiété et le stress, ce qui fait décroître la perception de douleur
- Activité physique adaptée
- …
Pour aller plus loin sur le sujet, voici 2 ressources complémentaires :
1. Vous pouvez consulter le livret de la Société française d’Etude et de Traitement de la douleur : « La douleur en questions. Quand les professionnels de santé vous expliquent la douleur et les traitements«
2. La vidéo ci-dessous vous explique la douleur chronique et comment s’y adapter. Nous on adore l’accent de nos amis québecois !!! En plus, cette vidéo est assez ludique car elle s’appuie sur de la facilitation graphique : tout le contenu est retranscrit en dessins et c’est très bien fait !
N’hésitez pas à nous laisser des commentaires si l’article vous a plu ou à nous poser vos questions.
On vous dit à bientôt et d’ici là, prenez soin de vous !