Les 12 et 13 novembre se tenaient à Reims les journées « Ethique, Alzheimer et maladies-neuro-évolutives » organisées par l’Espace éthique d’Ile de France. Nous y étions !
Quel rapport avec le thème de notre article d’aujourd’hui vous demandez-vous peut-être? Et bien justement, ce congrès est un exemple parfait de ce qui contribue à créer une société inclusive ! Pendant 2 jours malades, aidants, professionnels de santé, travailleurs sociaux, directeurs d’établissement médico-sociaux, philosophes, sociologues, … bref, citoyens, nous avons écouté, échangé, débattu. Et le moins que l’on puisse dire c’est que cela pousse à réfléchir, à changer de point de vue.
L’espace éthique a beaucoup travaillé sur le concept de société bienveillante. Vous pouvez d’ailleurs consulter :
- leur manifeste 2018 « Vers une société bienveillante » ICI
- leur livre blanc 2019 « Personnes vivant avec une maladie neuro-évolutive. Pour une société bienveillante » ICI.
De l’importance des mots
Nous vous avions expliqué dans cet article ICI ce qu’était une maladie neurodégénérative. Vous aurez remarqué que les journées d’éthique étaient intitulées « Alzheimer et maladies neuro-évolutives », terme moins stigmatisant et peut-être moins effrayant.
Arrêtons-nous maintenant sur le terme de bienveillance. La philosophe Armelle Debru rappelle dans le manifeste de l’espace éthique que le premier élément – bien – ne porte pas à confusion sur le sens. Néanmoins, elle explique que l’on pourrait être tenté de rapporter le deuxième élément – veillance – à la veille. En somme, la bienveillance correspondrait au fait de veiller chacun les uns sur les autres, d’être attentifs ensemble. C’est une explication qui se tient. Toutefois, les définitions qui s’appuient sur l’histoire de la langue française renvoient plutôt l’élément – veillance – au vouloir. Vouloir, c’est à dire « vouloir activement le bien de quelqu’un ». Vouloir, c’est ajuster ses actes et ses attitudes pour inventer et mettre en place des initiatives concrètes.
Aujourd’hui nous allons :
- parler des enjeux que représentent les maladies neuro-évolutives pour notre société
- vous présenter des solutions qui existent déjà en France ou à l’étranger
- vous montrer des propositions pour aller vers une société plus inclusive et bienveillante
- porter à votre connaissance les facteurs de succès des initiatives qui se développent
I. Quels sont les enjeux pour notre société ?
Aujourd’hui en France, le nombre de personnes vivant avec une maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée est estimé à près d’1 million.
Comme nous pensons qu’il est difficile de se représenter concrètement les chiffres, comparons-les à des populations. Un million donc, c’est un peu plus que la population de Marseille ou deux fois celle de Lyon.
Le nombre de personnes atteintes de la maladie de Parkinson est évalué à près de 200 000 soit environ la population de la ville de Reims. Oui, on ne manque jamais une occasion de parler de notre ville.
Quant à la sclérose en plaques, c’est en 2019 environ 100 000 personnes touchées soit l’équivalent de la population d’une ville comme Tourcoing.
Ces maladies impactent aussi les proches. Ainsi, vous êtes près de 3 millions d’aidants à accompagner ces malades au quotidien !
Le nombre de personnes touchées par ces maladies va augmenter dans les années à venir. D’ailleurs, si la maladie d’Alzheimer avait fait l’objet de 3 plans nationaux de 2001 à 2012, le dernier plan 2014-2019 est un plan « Maladies neurodégénératives » et il ne se focalise plus uniquement sur le diagnostic et la prise en charge. Il s’adresse aussi aux acteurs de la société civile. En effet, il s’agit désormais de réfléchir à la façon de mieux répondre aux besoins des malades et de leurs aidants pour améliorer leur qualité de vie. Comment faire en sorte de maintenir l’autonomie des personnes et favoriser leur inclusion dans la société ?
II. Des initiatives remarquables.
Ces enjeux sociétaux ne sont pas uniquement une préoccupation française. Le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de personnes vivant avec une maladie neuro-évolutive sont des défis pour de nombreux pays.
Pour autant, pas question de faire un amalgame entre personnes âgées et maladies neuro-évolutives qui, rappelons-le, touchent aussi des sujets jeunes.
Voici un petit florilège d’initiatives remarquables.
1. S’appuyer sur l’engagement citoyen.
Au Royaume Uni, l’association Alzheimer’s Society a lancé une initiative inspirée du modèle d’inclusion japonais. Cette initiative, est une démarche de mobilisation en 3 étapes. Il s’agit de construire une communauté de « Dementia friends« .
La première étape consiste à mobiliser les individus : des personnes bénévoles demandent le statut de « Dementia Friends ». Ils bénéficient alors d’une formation donnée par un « Dementia Champion » lui-même formé par l’association Alzheimer’s Society. L’objectif de cette formation est de mieux comprendre les troubles cognitifs et de découvrir comment aider une personne malade ou son entourage. Les Dementia Friends (DF) reçoivent un pin’s en forme de myosotis. Pourquoi un myosotis? En anglais cette plante est nommée « Forget me not » (ne m’oublie pas). C’est à la fois un signe de ralliement, d’identification et il permet aussi de communiquer sur l’initiative. On compte aujourd’hui au Royaume Uni 2,3 millions de DF (dont 200 000 jeunes de 10 à 20 ans). L’objectif pour 2020 est d’atteindre 4 millions de DF !
La deuxième étape concerne les entreprises : celles-ci sont incitées à developper des actions pour que leurs employés deviennent des DF. Ceci permet à la fois d’améliorer la qualité de services aux clients mais aussi de mieux accompagner les salariés qui sont eux-mêmes aidants.
La troisième étape consiste enfin à mobiliser les communes : villes, villages. Les Dementia Friendly Communities (DFC) s’engagent à suivre une démarche structurée pour obtenir le label DFC et à être régulièrement évaluées pour le conserver. Aujourd’hui 276 DFC ont été labellisées au Royaume Uni !
Ce concept a essaimé dans 30 pays et aujourd’hui on compte 13 millions de Dementia Friends à travers le monde. En France, Rennes est la première ville à avoir obtenu le label DFC.
2. Adapter les services.
D’autres initiatives ont fait le pari de favoriser l’inclusion en ayant une démarche volontariste d’adaptation des services aux troubles des personnes malades. Ainsi Bruges a lancé l’initiative « Ensemble pour une Bruges Alzheimer admis« . Il s’agit d’une démarche de sensibilisation de différents secteurs (commerces, police, écoles, services socioculturels…). Le centre d’expertise de la démence Foton a mis en place une offre de formation, un site internet participatif, des projets menés avec les écoles, les théâtres, les musées… Une centaine de commerçants participent aujourd’hui à la démarche. Ils se sont formés et affichent sur leur devanture un logo avec un mouchoir noué (rappelant l’expression « faire un noeud à son mouchoir » pour se souvenir de quelque chose). Ils diffusent également un guide d’information sur la maladie d’Alzheimer qui présente des conseils pratiques et informe sur les services disponibles.
En Ecosse, un consultant indépendant a lancé l’entreprise sociale Go Upstream. Son objectif est de mobiliser les opérateurs de transports en commun (trains, métros, bus ou avions) pour mettre en place des adaptations de services se basant sur l’expérience des malades. Des ateliers de recueil d’expérience, associant malades et aidants permettent de mettre en lumière les difficultés rencontrées. Mi-2019, le projet avait impliqué 2 aéroports, 3 compagnies ferroviaires, 2 compagnies de ferry et 1 compagnie de bus !
3. Favoriser l’inclusion dans la société grâce à la culture.
A Londres, le cinéma Phoenix organise deux fois par mois des sessions « ciné-mémoire » spécialement adaptées aux personnes vivant avec une maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée. Chaque personne peut venir accompagnée de 2 aidants. Les séances sont gratuites pour les participants, la programmation est soigneusement définie : des comédies musicales principalement, pour bénéficier des vertus de la musique (on vous en avait parlé ICI). Pour accueillir au mieux ce public, la projection se fait en gardant une lumière douce afin d’éviter de le plonger dans le noir, le niveau sonore est réduit et la signalétique a été améliorée pour bien identifier l’accès aux toilettes ou à la sortie. Un entracte est aménagé au milieu du film et un animateur intervient pour créer un moment de partage apprécié par les participants. En moyenne, à chaque séance près de 125 personnes assistent à la projection !
En France, l’association ARTZ propose des visites de musées à des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées. Elle s’est donné pour objectifs de :
- Contribuer au changement de regard sur les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de pathologies apparentées et véhiculer une vision positive de nos aînés.
- Promouvoir les facultés persistantes des personnes malades, leur qualité de vie, leur dignité et le respect de leur identité.
- Offrir du temps libre aux aidants familiaux, les inviter à se faire aider plus largement et soutenir la qualité des relations aidants/aidés.
- Rompre l’isolement, favoriser la création et le maintien de liens sociaux et soutenir la solidarité intergénérationnelle.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les initiatives présentées, en découvrir d’autres : lisez « Pour une société inclusive« , l’enquête conjointe de la Fondation Mederic Alzheimer et de la fondation de France.
III. Comment rendre notre société plus bienveillante et inclusive ?
Dans son livre blanc, l’espace éthique d’Ile de France propose 10 pistes d’actions prioritaires :
IV. Les facteurs de succès.
Dans leur enquête conjointe, la Fondation Mederic Alzheimer et la fondation de France identifient 3 facteurs de succès communs aux projets divers étudiés :
1. Impliquer les personnes malades et leurs aidants dans la construction des projets. Il s’agit d’intégrer le ressenti, l’expérience et les recommandations faites par les malades et leur entourage.
2. Co-construire et ancrer les projets avec des partenaires locaux. L’existence d’un comité de pilotage pluridisciplinaire (représentants de malades, aidants, professionnels, collectivités locales) est un facteur de succès.
3. Évaluer les projets et mesurer leur impact. Il est important d’évaluer les programmes pour contribuer à leur valorisation et assurer leur pérennité.
L’article vous a plu, vous souhaitez vous aussi partager votre expérience, vous engager pour créer une société bienveillante et inclusive ? N’hésitez pas à nous contacter, à commenter : nous serions ravis de dialoguer et de co-construire avec vous !
A la semaine prochaine et d’ici là, prenez soin de vous !